Plus de cent professionnels de santé alertent sur le bruit aérien : « C’est l’espérance de vie qui est menacée »

Plus d’une centaine de soignants dénoncent, dans une tribune au « Monde », l’accroissement du nombre des vols d’avion, y compris la nuit, au mépris de la santé des riverains des aéroports. Ils réclament la mise en place d’un couvre-feu et des mesures préconisées par la convention citoyenne pour le climat.

Nos villes vivent noyées dans un environnement de décibels : partout, des projets d’extension d’aéroports, de voies ferrées et routières exposent les Français à des nuisances sonores sans cesse croissantes. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), 25 millions de métropolitains subissent les nuisances sonores du transport routier et aérien, dont 9 millions sont surexposés au bruit.

Sait-on que cette surexposition au bruit ne se limite pas à une sensation d’inconfort, mais pose un véritable problème de santé publique ? Cela se traduit par le coût des dépenses de santé liées aux nuisances sonores : 147 milliards d’euros annuels, selon l’Ademe. Selon l’étude « Discussion sur les effets du bruit des aéronefs touchant la santé » (Debats), la surexposition au bruit aérien fait exploser les maladies cardio-vasculaires avec, pour chaque augmentation de 10 décibels, un surcroît de mortalité évalué à 18 % et allant jusqu’à 28 % pour l’infarctus du myocarde. C’est l’espérance de vie qui est menacée avec, en première ligne, les populations riveraines des aéroports.

Dans les zones aéroportuaires d’Ile-de-France, les études de Bruitparif évaluent à 1,9 million le nombre de Franciliens exposés à un niveau de bruit supérieur à la valeur guide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la protection de la santé, dont 1,4 million pour le seul aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.

Interdiction des vols de nuit

Le plan de prévention du bruit dans l’environnement de l’aéroport de Roissy, actuellement en cours de validation, est une véritable catastrophe, car il aggraverait une situation sanitaire déjà alarmante. La direction générale de l’aviation civile table sur un accroissement de 180 000 mouvements par an, soit 37 % de vols supplémentaires dans les années à venir, les mêmes perspectives que pour le projet d’extension de l’aéroport, pourtant officiellement abandonné. L’abandon du terminal 4 n’est-il qu’un miroir aux alouettes pour citoyens crédules ?

L’impact du bruit nocturne sur le sommeil est bien documenté par Bruitparif, et pourtant la question d’un couvre-feu brille par son absence dans ce plan de prévention. A l’heure où de grands aéroports européens (Heathrow, Francfort, Madrid, Orly) limitent ou interdisent les vols de nuit sur des plages horaires d’au moins six heures, la direction de Groupe ADP se refuse toujours à envisager un couvre-feu à Roissy. Pourtant, l’OMS recommande huit heures de sommeil consécutives et l’association américaine National Sleep Foundation préconise une durée plus longue encore pour les nouveau-nés et pour les adolescents. Pour les enfants d’âge scolaire vivant et apprenant dans ces zones bruyantes, outre les troubles du sommeil, ce sont les capacités d’apprentissage qui sont compromises par le bruit, comme le démontrent les études.

La région parisienne n’a pas l’exclusivité des nuisances sonores liées à l’aviation : l’étude « Debats » couvre aussi les aéroports de Lyon et de Toulouse. Pour ce dernier, la population exposée à un bruit nocturne de plus de 50 décibels s’est accrue de 70 % entre 2012 et 2017. Plus de 14 000 personnes sont concernées. Du fait de l’absence de couvre-feu, demandé en vain par les associations, ce sont environ 8 000 avions par an qui survolent de nuit un hôpital à basse altitude, sans que cela semble poser de problème éthique aux autorités aéroportuaires, à la direction générale de l’aviation civile et à la majorité municipale. Partout, la santé publique passe après les intérêts financiers.

Ce profond désintérêt pour la santé et pour la vie de nos concitoyens est mortifère et ne peut pas laisser indifférents les médecins, et plus largement les soignants et soignantes : nous, professionnels de santé signataires, appelons nos élus municipaux et nationaux à se désolidariser d’une politique qui fait aussi peu de cas de la personne humaine. Nous attendons de l’Etat qu’il mette en place les mesures préconisées par la convention citoyenne pour le climat en interdisant les extensions aéroportuaires ; qu’il établisse, pour chaque aéroport, des plans de prévention du bruit dans l’environnement vraiment protecteurs, incluant le plafonnement des aéroports en nombre de mouvements d’avions; que le couvre-feu devienne la règle et pas l’exception ; et qu’il se conforme enfin aux normes européennes trop souvent ignorées.

Premiers signataires:

Pierre Souvet, président de l’Association Santé Environnement France (ASEF) ; André Cicolella, président de Réseau Environnement Santé (RES) ; Jean-Pierre Enjalbert, président du Collectif Santé Nuisances aériennes ; Isabelle Amiel, médecin réanimatrice, CHU Robert-Debré, Paris ; Evelyne Cordier, médecin généraliste, Groslay ; François Abalan, psychiatre, Talence ; Alexandre Duparc, cardiologue, CHU Toulouse ; Andréanne Dufour, infirmière libérale
Emilien Maisonneuve, pédiatre, CHU Grenoble ; Thomas Menzel, professeur cardiologue, Mayence (Allemagne) ; Georges Mion,professeur, anesthésiste, CHU Cochin, Paris ; Pierre Sassier, médecin généraliste retraité ; Christian Vanjak, médecin réanimateur, CHU Eaubonne ; Dominique Vanjak, médecin infectiologue, CHU Eaubonne.
Liste complète des signataires : ici

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